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La Bêtise
Est-ce que ça fait toujours rire ?
jeudi 22 août 2013
L’idiot, le crétin, l’imbécile est présent dans pratiquement tous les livres, films, histoires humoristiques. Ses raisonnements décalés et sa maladresse sont un des premiers ingrédients à utiliser quand on veut faire rire. Les idiots ne manquent pas, prenons-en deux au hasard…
Les livres proposés...
Livre par livre
Obélix
Obélix est le parfait exemple du faire-valoir : s’il n’y avait qu’Astérix, l’histoire ne serait certainement pas aussi drôle. Il est le prototype du simplet qui met les pieds dans le plat, comprend de travers, et énonce des âneries.
Sa bêtise peut n’avoir comme seule conséquence de faire rire le lecteur ; mais ici, elle est moteur de l’histoire : c’est à cause de sa maladresse que Panoramix devient amnésique et que la potion magique est inaccessible, mettant le village en danger. Même sa volonté de bien faire est destructrice, puisqu’en ayant – pour une fois – une idée logique, il manque d’anéantir les efforts des autres personnages…
Une bêtise drôle donc, destructrice pour son entourage, mais constructive pour l’intrigue.
Nasreddine
Nasreddine est un personnage connu dans tout le monde oriental. Sa façon de réfléchir à l’envers est si renommée que ses nombreuses aventures ont traversé les frontières et le temps, depuis la Turquie du XIIIe siècle.
Il cherche sa clé là où elle n’est pas, il fait mourir son âne à force de ne pas le nourrir, il emporte sur son dos la porte qu’il est censé garder… Il fait preuve d’une absence totale de logique, où plutôt d’une logique qui n’appartient qu’à lui.
Ses bourdes sont gratuites, elles font rire, et on peut se demander : est-ce un idiot ou un clown ? Est-ce qu’il est fou ou est-ce qu’il fait le fou ? Après avoir ri de sa bêtise, on réfléchit à l’absence de logique du monde, du sens qu’on donne aux mots…
Il n’empêche que par sa bêtise, il se met dans l’embarras.
Livre par livre (2)
Crétin ?
Le personnage de Reese est un parfait exemple de crétin. Il réussit à être plus bête que méchant, et il est pourtant très loin d’être sympathique.
Engagé dans l’armée, sa bêtise va plutôt avoir tendance à le gêner : il ne réalise pas la situation dans laquelle il se trouve et les risque qu’il court à ne faire aucun cas de son sergent-instructeur… et enchaîne les punitions.
Alors la bêtise devient une arme : Reese « déconnecte son cerveau », il arrête de penser, ne fait qu’obéir machinalement et devient « l’outil le plus heureux du monde ».
Est-ce viable à long terme ? S’il fait la joie de son sergent sur le moment, on réalise vite les limites de l’absence totale de réflexion… En déconnectant son cerveau, il n’est plus vraiment humain, n’est plus capable d’assurer sa survie ou de prendre la moindre initiative : on est donc dans le cas d’une forme de bêtise encore plus autodestructrice que la précédente.
Comme disait Pierre Desproges :
Normal que certain préfèrent s’en débarasser.
Quand je serai grand…
(chanson de Coluche)
Ici, la bêtise est plus que confortable : c’est une fierté, un but dans la vie. On cherche la bêtise, on l’assume, pas seulement pour ne pas être malheureux en se posant trop de questions, mais pour être heureux et auto-satisfait en étant persuadé qu’on a toujours choisi le bon chemin.
Le « con » de Coluche est, comme Reese quand il abandonne sa capacité à réfléchir par lui-même, celui qui obéit, qui suit en se taisant, qui suit à la fois ceux qui le gouvernent, mais aussi ses propres certitudes, sans jamais se remettre en question.
De livre en livre (3)
L’Île
Ici, la bêtise est synonyme de préjugés et d’égoïsme : personne ne cherche à comprendre l’étranger, c’est tellement plus simple de considérer que tout est de sa faute, qu’il est différent donc forcément plus mauvais que nous… et ceux qui pensent différemment préfèrent se taire, comme le « con » de Coluche, qui n’est « pas toujours d’accord », mais qui ne dit rien « pour pas s’faire virer ».
La bêtise finit par être destructrice pour l’étranger ainsi que pour le pêcheur qui l’a recueilli, mais aussi pour toute l’île, pour toute la société : un mur est bâti, qui empêche l’évolution, le changement, qui empêche quiconque de rentrer… mais aussi de sortir.
Comment faire, dans une telle société, si l’on ne choisit pas la bêtise, si l’on veut garder son cerveau afin d’éviter de finir comme Reese, incapable de penser à sa seule survie ?
1984
Voilà ce que ça donne, une société comme celle de L’Île, enfermée depuis trop longtemps dans ses murs… Un culte total au chef Big Brother ; une langue qui empêche de formuler des idées complexes, de donner du sens aux mots, et donc de réfléchir ; la double-pensée qui permet à tous d’accepter une idée même si l’on sait qu’elle est fausse, afin de croire le régime infaillible… L’IGNORANCE C’EST LA FORCE, disent les affiches.
Ici, l’intelligence devient une révolte : « La liberté, c’est la liberté de dire que deux et deux font quatre.la répression de cette révolte consiste donc à faire accepter, à faire assimiler la bêtise : Winston, le héros, après de longues séances de tortures, finit pas admettre, et à croire, que deux et deux font cinq… le régime a gagné, IL AIMAIT BIG BROTHER.
Citons encore Pierre Desproges, pour finir :